Plaisir des sens.
L’art du jardin, au fil des siècles, a souvent célébré les cinq sens. Mais il faut dire que ceux-ci sont inégalement illustrés. Le plus honoré de tous est la vue, par le biais du dessin général, de la structure et de la couleur des plantes. Elle est suivie de l’odorat, à travers les parfums des fleurs, des feuilles ou même de la terre. Viennent ensuite le toucher et le goût, qui demandent une participation active (et parfois…risquée !) du visiteur. L’ouïe est la plus mal lotie et, excepté avec l’aide du vent dans divers branchages, doit compter sur les oiseaux et des éléments matériels tels que l’eau. Il n’en reste pas moins que la gamme de végétaux permettant d’illustrer au mieux les sens reste quand même large, d’autant que certaines plantes ont l’amabilité d’en satisfaire plusieurs à la fois. Voyez le simple exemple des cerisiers avec leurs fleurs (vue et odorat), leurs fruits (goût), puis leurs coloris d’automne (vue, de nouveau). Ajoutons que même les plus agressives (cactées, ronces, etc.) peuvent avoir leurs bons côtés et offrir, à côté de leurs piquants, des fleurs chatoyantes et soyeuses, voire des fruits savoureux.
On peut une fois de plus faire confiance à la nature pour nous réserver d’aimables surprises, et aux pépiniéristes pour les dévoiler.
Nos coups de cœur
Les fuchsias de Marcel Delhommeau
Cette pépinière n’a plus de réputation à faire en ce qui concerne sa collection de fuchsias, à laquelle s’ajoutent les nombreuses obtentions « maison » de qualité. On ne sait que choisir parmi les plus belles : ‘Marie Bunel’ aux élégants pétales spatulés et au feuillage argenté ; ‘Demoiselle de La Haluchère’, au feuillage rose ; ‘Festival de Trévarez’, aux grosses fleurs en pompon… ‘Muscadet’, lui, offre un surprenant contraste entre la corolle rose vivement saumoné et le calice blanc pur. Tous ces fuchsias sont rustiques à très rustiques et assurés de la longue floraison du genre. Tous leurs fruits, sucrés, sont comestibles, et particulièrement chez ‘Ville de Rocquencourt’, haut de 2m.
Fuchsia ‘Muscadet’_©Delhommeau
Le lilas de Pékin de Mozaïc Garden
Vous aimez les belles écorces ? Vous avez bien raison ! Malheureusement, diverses espèces favorisées sur ce plan, tels nombre d’érables, n’acceptent pas tous les climats ni tous les sols, et plusieurs autres (Prunus, bouleaux…) sont à peine moins exigeantes.
Rien de tel avec le lilas de Pékin (Syringa reticulata ssp. pekinensis), qui accepte de pousser à peu près partout, et même en sol calcaire. C’est un grand arbuste (5-6 m de haut) à l’écorce caramel foncé, ponctuée de lenticelles blanches. Elle s’exfolie au printemps avant de devenir soyeuse. Très rustique (-30°C environ), ce lilas épanouit en mai-juin des masses neigeuses de fleurs crème, très mellifères.
Syringa reticulata ssp. pekinensis©DR
La flouve dorée des Chênes de Caux
Connue des parfumeurs pour sa senteur typique de « foin coupé », proche de l’amande, qu’elle a transmise à diverses eaux de toilette, la flouve (Anthoxanthum odoratum) est une graminée discrète d’aspect. Présente un peu partout en Europe, elle hante les terres fraîches à humides, voire un peu asphyxiées. ‘Or du Pays de Caux’ en est une variante « maison » obtenue par Les Chênes de Caux, qui ajoute à son parfum une touche ornementale, avec son feuillage doré et ses tiges florales pourprées. La plante, traçante, demande un terrain bien frais, de préférence neutre ou acide et accepte parfaitement la culture en bacs ou pot, sans apport d’aucun engrais, qu’elle n’apprécie pas.
Anthoxanthum odoratum ‘Or du Pays de Caux’_©Chêne de Caux
Le manioc rustique des pépinières Ripaud
A dire vrai, ce nord-américain (Manihot grahamii) s’avère être un modeste producteur (éventuel !) de tapioca. En revanche, c’est le plus rustique du genre (-10/-12°C), et de loin. Si ses performances culinaires sont modestes, l’intérêt décoratif de son feuillage est indéniable, d’autant qu’il pousse remarquablement vite, atteignant en une saison des dimensions de bel arbuste et offrant alors tout l’été son feuillage exotique, qui concurrence par son aspect celui des Schefflera, si fort à la mode. Ajoutons que sa floraison, discrète, est remarquablement mellifère. L’idéal est de le cultiver en pot, à abriter hors-gel durant un ou deux hivers, après quoi il aura formé un tronc assez robuste pour résister au froid au jardin, en sol drainant. Dernier point, mais non des moindres : il se moque des canicules et des terres maigres.
Manihot grahamii_©Ripaud
Les hémérocalles du Lac des Joncs
Les hémérocalles, grâce à de des travaux d’hybridation un peu partout dans le monde, connaissent un renouveau certain, favorisé par leur grande facilité de culture. Toutes possèdent des boutons floraux légèrement sucrés, délicieux à croquer, Mais le jardinier préfère en général la beauté de leurs corolles épanouies.
Périgourdin d’adoption, Willy de Wilde fait partie des obtenteurs qui comptent en la matière, avec des créations aux formes et aux coloris de plus en plus affinés, dont les fleurs, apparues longuement, se détachent bien du feuillage. Une de ses nombreuses réussites toute nouvelle est ‘Feu de Saint Jean’, de forme Spider (« araignée »), avec des corolles nombreuses aux pétales étroits, bouclés, orange flammé de rouge sur un cœur doré.